L’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 14 mars 2022 (CE, 14 mars 2022, n°434343) est l’occasion de se (re)pencher sur la problématique de la consommation d’alcool sur le lieu de travail.

La consommation d’alcool sur le lieu de travail est-elle encadrée par le Code du travail ?

OUI !

Une liste limitative de boissons alcoolisées est autorisée par le Code du travail : vin, bière, cidre et poiré.

Il est interdit d’être en état d’ébriété sur son lieu de travail

Quels sont les droits et obligations de l’employeur ?

L'employeur peut :

– Limiter davantage la consommation de boissons alcoolisées, voire l’interdire, par le biais du règlement intérieur ou d’une note de service. La note de service sera utile dans les entreprises ne disposant pas de règlement intérieur (obligatoire si l’effectif atteint le seuil de 50 salariés).

– Licencier pour faute grave, un salarié se trouvant en état d’ébriété sur son lieu de travail, dans la mesure où le contrôle d’alcoolémie a été régulièrement effectué. Attention au contexte : contenu du règlement intérieur, ancienneté et fonctions du salarié, etc. Illustration récente : conducteur receveur contrôlé à 0,58 g/litre de sang, licencié pour faute grave dans une entreprise de transport (Cour d’appel d’Aix-en-Provence – Pôle 04 ch. 02 – 4 mars 2022 – n° 2022/057)

L'employeur doit :

– Prendre toutes les mesures pour préserver la santé et la sécurité de ses salariés : la fameuse obligation de sécurité de l’employeur !

– Garder dans l’entreprise ou faire raccompagner en toute sécurité, un salarié en état d’ébriété et non pas le renvoyer seul chez lui, sous peine de l’exposer à un risque d’accident.

– Rester vigilant lors des pots de départ qu’il organise, y compris en dehors du lieu de travail. Le règlement intérieur n’est alors pas applicable, mais l’employeur peut être tenu responsable des accidents qui se produiraient au cours et l’issue de ces évènements liés à l’activité professionnelle.

La consommation excessive d’alcool sur le lieu de travail constitue-telle systématiquement une faute disciplinaire ?

NON !

✓ Il convient tout d’abord de se référer à son règlement intérieur.

✓ La consommation occasionnelle d’alcool relève plus généralement du terrain disciplinaire, mais la consommation régulière d’alcool devrait conduire l’employeur à envisager un lien avec l’état de santé du salarié. Le motif disciplinaire serait donc totalement inadapté.

✓ Attention au motif discriminatoire !

Que vient nous rappeler le Conseil d’Etat, dans sa décision du 14 mars 2022 ?

✓ L’employeur peut prévoir une interdiction totale de l’alcool sur le lieu de travail, dans la mesure où cette interdiction est proportionnée au but (de sécurité) recherché.

✓ Afin de démontrer que l’interdiction est proportionnée, l’employeur n’est pas tenu de justifier de la réalisation antérieure de risques liés à une consommation d’alcool sur le lieu de travail.

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Question Bonus !

Pourquoi la décision a-t-elle été rendue par le Juge administratif ?

✓ Le juge administratif est compétent dès lors que l’Inspection du travail s’est déjà prononcée sur le règlement intérieur (cf. principe de séparation des pouvoirs). Or, l’inspection du travail peut, avant ou après l’entrée en vigueur du règlement intérieur, exiger le retrait ou la modification des stipulations contraires aux règlementations en vigueur et aux droits fondamentaux des salariés.

✓ Le Tribunal judiciaire est compétent pour l’annulation des dispositions illégales d’un règlement intérieur, en l’absence de décision administrative préalable (Cass. Soc. 16 décembre 1992, n°90-14.337).

✓ Le Conseil de prud’hommes est compétent pour écarter l’application d’une disposition illégale d’un règlement intérieur à l’occasion d’un litige individuel. Effet relatif de la chose jugée : cette disposition ne sera écartée que pour le demandeur à l’action prud’homale.

Vous souhaitez obtenir plus d’informations sur le règlement intérieur et l’alcool sur le lieu de travail ? Le Cabinet est à votre disposition pour échanger sur ce sujet, ou toute autre question de Droit du travail, des relations sociales et de la Sécurité Sociale.